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dimanche 28 septembre 2014

Allons au cinéma...

Lorsque l’on pense au cinéma indien en France, on pense surtout au cinéma dit de « Bollywood », terme obtenu par la fusion entre Hollywood et Bombay, la capitale de l’État indien du Maharastra (aujourd’hui Mumbai). Ce terme renvoie à des films bien caractéristiques ; en hindi (ou plutôt en ourdou), généralement assez longs (il est courant d’avoir un entracte), et comprenant des numéros de chant et de danse. Les thèmes les plus fréquents sont les amours contrariées de jeunes gens, mais il existe de nombreux sous-genres (le film policier, d’espionnage, d’horreur.). Il s’agit d’une industrie cinématographique particulièrement prolifique (environ 1 200 films par an) et rentable. Elle s’exporte bien à l’étranger, que ce soit dans les autres pays de l’Asie du sud, au Maghreb et en Afrique mais aussi en Europe, où l’on croise de plus en plus de fans de Bollywood. 
Affiche du film Devdas (1955) de B. Roy, de nombreuses versions de cette tragédie existent, dans diverses langues indiennes
Bollywood est toutefois loin de résumer le cinéma indien. Il existe en effet bien d’autres types de productions cinématographiques ; des films d’auteur (qui ont parfois du mal à se faire une place), mais aussi une industrie cinématographique régionale, puisque l’Inde est un pays marqué par le multilinguisme. Ainsi, il existe une industrie cinématographique en kannada, la langue parlée au Karnataka, où se situe l’orphelinat. Les films sont produits à Bangalore, et on appelle cette industrie « Chandanavana » en kannada ou « Sandalwood ». Toutefois, à Siruguppa, les films diffusés sont souvent des films de Tollywood, c’est-à-dire en télougou. Cette industrie est plus développée, et les films sont considérés comme étant de meilleure qualité.
La ville de Siruguppa ne compte pas moins de 7 cinémas, avec des nombreuses séances tout au long de la journée. Les salles sont bondées, et les billets premiers prix étant accessibles, c’est un loisir populaire, rassemblant les familles d’ouvriers agricoles (familles très pauvres), comme la « classe moyenne ». Les « notables » quant à eux ne fréquentent pas les salles de cinéma, mais leurs enfants peuvent y aller. Les fillettes de l’orphelinat y vont parfois, en étant accompagnées de l’une des filles (majeures) de la directrice Prema Kundargi ou d’une partie de l’équipe de l’orphelinat. Prema estime qu'il ne serait pas convenable d'y aller, pour une femme de son âge et de son statut.
Affiche du film en télougou Attarintiki Daredi (2013) (c): Sri Venkateswara Cine Chitra.
Un peu comme à l’opéra ou au théâtre en France, il y a différents types de fauteuils, et donc de prix. Les rangées en haut (au «  balcon ») sont plus chères que celles du bas, et ne sont pas fréquentées par le même milieu social. Il y a aussi des rangées réservées aux spectatrices et toutes les femmes qui y vont entre amies (sans leur mari) s’y installent. Il ne serait pas jugé respectable pour elles de s’asseoir au milieu des hommes sans être entourée d’une présence masculine. Chloé, volontaire il y a une dizaine d’année à Siruguppa se souvient qu’elle ne pouvait s’assoir qu’au balcon, avec d’autres femmes. Les places les moins chères coûtaient alors environ 11 roupies. Sachant que les hommes journaliers pouvaient alors gagner 80 roupies par jour, et les femmes 40, le cinéma était accessible, mais représentait tout de même un budget important (si l’on y emmène toute sa famille).
Les séances de cinéma se font en deux temps, avec un entracte au milieu au cours de laquelle les gens s’achètent des snacks, du thé, voire de l’alcool de palme pour les hommes. Pendant le film, le public est loin d’être passif : cris, rires, encouragements criés aux acteurs, le spectacle est dans la salle autant que sur l’écran (même si aujourd’hui, dans les cinémas climatisés des grandes villes, on retrouve une ambiance beaucoup plus proche de nos salles françaises). Cette ambiance peut déconcerter au premier abord, mais elle fait aussi partie du plaisir du cinéma en Inde. C’est aussi (comme dans d'autres pays) un lieu de rencontre pour les jeunes gens, ce qui peut expliquer qu’à l’heure où de plus en plus de familles ont les moyens de regarder des films chez eux, et où les copies piratées circulent abondamment, le cinéma reste un lieu important de la vie sociale indienne.